Les attaques en cybersécurité industrielle ne relèvent plus de la fiction ni de l’exception. Qu’il s’agisse de tentative d’empoisonnement, de coupure d’alimentation électrique, de neutralisation des dispositifs de sécurité ou de paralysie mondiale par ransomware, les exemples concrets d’attaques OT se multiplient. Ces incidents exposent les failles critiques des environnements industriels et soulignent une vérité incontournable : les systèmes opérationnels sont devenus des cibles à haute valeur stratégique.
La cybersécurité industrielle est aujourd’hui un enjeu stratégique. Pourtant, elle reste souvent reléguée au second plan, perçue comme un sujet technique, peu visible et mal compris en dehors des cercles spécialisés.
Une attaque en cybersécurité industrielle ne se limite pas à un arrêt de production. Elle peut compromettre un service essentiel, endommager physiquement des équipements, ou exposer les opérateurs à des risques réels. Les systèmes OT sont désormais des cibles à haute valeur, et leur compromission a des impacts concrets, durables et systémiques.
Les attaques comme Stuxnet, Triton ou Industroyer ont marqué l’histoire, mais elles ne sont que la partie émergée d’un phénomène global. Les exemples d’attaques OT se multiplient, y compris dans des environnements perçus comme fermés ou peu exposés.
Ce constat est appuyé par le général Philippe Susnjara (DRSD), qui alerte sur l’explosion des menaces contre les PME industrielles stratégiques. En un an, ces structures ont connu une hausse de +50 % des attaques physiques et +60 % des attaques cyber. Ces entreprises, parfois détentrices de technologies critiques, mais souvent sous-équipées en sécurité, sont devenues les nouvelles cibles des attaquants.
« L’ennemi vise désormais nos maillons faibles plutôt que nos forteresses. » Général Philippe Susnjara, DRSD
Dans ce contexte, la résilience industrielle ne peut plus se limiter à la protection des zones les plus visibles. Elle implique une sécurisation globale : technique, humaine et organisationnelle.
Chaque incident est une source d’apprentissage. Mais encore faut-il le documenter, l’analyser et en tirer les leçons. Le retour d’expérience en cybersécurité reste aujourd’hui sous-exploité dans l’industrie, avec des conséquences directes sur la maturité des organisations.
Ce déficit produit deux effets critiques :
Le retour d’expérience ne doit pas être considéré comme une charge. C’est un levier stratégique : il alimente l’analyse de risque, structure les plans de réponse à incident, soutient la sensibilisation des équipes OT et permet un alignement concret avec les exigences réglementaires.
Dans un environnement de plus en plus encadré, le retour d’expérience devient un élément central de conformité.
Les référentiels tels que NIS2, la Loi de Programmation Militaire, ISO/IEC 27001 ou IEC 62443 imposent aux industriels de démontrer leur capacité à :
Un retour d’expérience bien structuré répond précisément à ces exigences. Il donne de la visibilité aux actions menées, justifie les choix techniques et organisationnels, facilite les audits, et renforce la confiance des partenaires comme des autorités.
En résumé, formaliser les incidents et capitaliser sur chaque attaque, c’est transformer une vulnérabilité passée en levier de crédibilité, de maturité et de résilience.
Pour mieux comprendre les enjeux et adopter les bons réflexes, découvrons à présent quatre exemples concrets d’attaques de cybersécurité industrielle, riches d’enseignements pour se préparer et savoir réagir efficacement.
Le 5 février 2021, un attaquant inconnu a réussi à se connecter à distance à un poste de supervision OT d'une usine de traitement d'eau à Oldsmar, en Floride, qui alimente environ 15 000 habitants.
L’accès s’est fait via TeamViewer, une solution d’accès distant installée sur le poste et mal sécurisée : mot de passe faible, pas d’authentification à deux facteurs, ni restriction d’adresse IP.
Une fois connecté, l’attaquant a tenté de modifier les paramètres de dosage d’hydroxyde de sodium (NaOH), une base utilisée pour équilibrer le pH de l’eau. Le dosage est passé de 100 à 11 100 parties par million, soit un niveau potentiellement toxique pour la population si maintenu suffisamment longtemps.
L’attaque a été détectée en temps réel par un opérateur en poste, qui a observé en direct la souris se déplacer et les paramètres être modifiés sans intervention humaine locale.
Aucune conséquence sanitaire n’a été observée :
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À la suite de l’incident, plusieurs mesures correctives ont été recommandées ou mises en œuvre :
L’incident d’Oldsmar est emblématique d’une réalité préoccupante : des infrastructures critiques OT exposées à Internet, sans protection suffisante, et souvent sans surveillance active.
Deux vulnérabilités majeures ressortent clairement :
Ce cas démontre qu’une attaque peu sophistiquée peut générer un risque sanitaire majeur, si elle n’est pas détectée immédiatement. La réaction rapide de l’opérateur a été ici déterminante, mais ne peut constituer à elle seule un rempart durable.
Le 17 décembre 2016, plusieurs sous-stations électriques de Kiev ont été paralysées pendant environ une heure. L’analyse d’ESET et de Dragos a révélé l’usage d’un malware avancé nommé Industroyer (aussi appelé CrashOverride)
Ce malware a exploité directement les standards de communication industriels, notamment :
L’intrusion initiale n’a pas nécessité de failles 0-day : les attaquants ont utilisé des méthodes classiques de pénétration (postes IT compromis, accès non segmenté, ou accès distant mal sécurisé)
L’attaque a provoqué une coupure de courant d’environ une heure, affectant des quartiers entiers.
Outre l’interruption immédiate, les conséquences possibles incluaient :
Industroyer ne visait pas seulement à couper l’alimentation, mais à masquer ses actions pour perturber la remise en service
Face à ce type de menace, les bonnes pratiques se sont structurées autour de trois axes principaux :
Industroyer a marqué l’histoire des malwares OT :
En 2017, une attaque sophistiquée cible une raffinerie située en Arabie Saoudite, en compromettant ses systèmes de sécurité instrumentés (SIS : Safety Instrumented Systems).
Le malware utilisé, connu sous les noms de Triton, Trisis ou HatMan, visait spécifiquement les automates Triconex fabriqués par Schneider Electric, utilisés pour déclencher les arrêts d'urgence (ESD – Emergency Shutdown).
L’attaquant a pris le contrôle d’un poste d’ingénierie connecté au réseau industriel. Depuis ce poste, il a pu déployer le malware Triton dans les SIS, à l’aide de scripts personnalisés exploitant le logiciel TriStation. Le malware était capable de modifier la logique de sécurité embarquée, désactivant les fonctions critiques de protection, telles que l'arrêt automatique en cas de fuite, de surpression ou de température excessive.
Heureusement, l’attaque n’a pas atteint son objectif final : une anomalie dans le code du malware a entraîné un plantage du système, provoquant un arrêt inopiné du process. C’est cet incident inattendu qui a conduit les équipes à découvrir la compromission.
Les risques étaient majeurs :
Triton constitue la première attaque connue visant non pas la disponibilité, mais la sûreté de fonctionnement des systèmes industriels.
Face à ce type de menace, les réponses techniques et organisationnelles ont été drastiques :
Des recommandations ont également été émises pour restreindre l’usage de protocoles propriétaires, souvent mal surveillés, et limiter les droits sur les outils de programmation (comme TriStation).
Triton constitue un changement de paradigme en cybersécurité industrielle : pour la première fois, un acteur malveillant a tenté de désactiver les systèmes censés protéger les vies humaines.
Cette attaque rappelle que :
Triton révèle également une convergence croissante entre menaces OT et objectifs géostratégiques, suggérant une origine étatique (attribuée officieusement à un groupe lié à la Russie, selon FireEye).
Fin mai 2021, le groupe JBS, leader mondial de la transformation de viande (bœuf, porc, volaille), a été victime d’une cyberattaque par ransomware ayant provoqué la paralysie d’une grande partie de ses activités en Amérique du Nord et Australie.
L’attaque a été attribuée au groupe criminel REvil, connu pour ses campagnes ciblées contre des infrastructures critiques.
La compromission initiale s’est produite dans le système d’information IT, avec une escalade vers l’environnement OT via des interconnexions insuffisamment cloisonnées, permettant une propagation latérale entre domaines.
Ce scénario est typique des entreprises disposant de systèmes industriels connectés aux réseaux bureautiques pour des raisons de supervision, de reporting ou de maintenance à distance.
L’attaque a entraîné :
Au-delà des pertes financières, la réputation du groupe a été fragilisée, et des tensions d’approvisionnement ont été observées sur certains marchés.
JBS a mis en œuvre plusieurs mesures de crise en coordination avec ses équipes de cybersécurité, ses partenaires externes et les autorités américaines :
La gestion de crise a été rapide, mais a nécessité un redémarrage progressif site par site, selon la capacité à valider l’intégrité des environnements.
L’attaque contre JBS illustre plusieurs points clés pour les industriels :
Enfin, ce cas rappelle que la résilience ne repose pas uniquement sur les protections techniques, mais sur la capacité à détecter rapidement, à segmenter efficacement, et à redémarrer en sécurité.
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Les attaques OT ne cessent de se sophistiquer. Pour y faire face, les industriels doivent passer d’une approche défensive classique à une posture proactive, résiliente et adaptée à leurs contraintes terrain. Cela implique une combinaison de technologies de détection avancée, de gouvernance de crise, de sensibilisation humaine et de mise en conformité structurée.
Dans un environnement industriel, le temps joue contre la sécurité.Une compromission non détectée peut rapidement dégénérer en incident de production, voire en situation dangereuse pour les opérateurs.
Il est donc essentiel de détecter les signaux faibles le plus en amont possible. Cela implique :
Disposer d’un plan de réponse à incident est indispensable. Mais dans le monde OT, il ne peut être calqué sur les standards IT. Une réponse efficace suppose :
En OT, un bon plan de réponse, c’est avant tout un plan que les équipes peuvent exécuter en contexte dégradé, sans mettre en danger la production ou le personnel.
L’attaque ne passe pas toujours par un exploit technique. Un poste d’ingénierie ouvert, un mot de passe partagé, ou un prestataire non sensibilisé peut suffire.
Investir dans la sensibilisation des opérateurs, la formation continue des automaticiens, et la maîtrise des accès tiers est un levier souvent sous-estimé, mais redoutablement efficace.
La culture de sécurité OT doit se diffuser au plus proche du terrain, dans les ateliers, sur les lignes, chez les mainteneurs. Pas seulement chez le RSSI.
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Les obligations réglementaires ne sont plus optionnelles. Avec la montée en puissance de NIS2, la LPM, et les référentiels tels que ISO/IEC 27001 ou IEC 62443, les industriels doivent démontrer leur capacité à :
La conformité devient un enjeu de gouvernance : elle structure les investissements, les priorités, et les relations avec les autorités ou clients stratégiques.
Même sans impact visible, un incident révèle des vulnérabilités techniques, humaines ou organisationnelles. Documenter ces signaux faibles permet de renforcer la résilience, d’alimenter l’analyse de risque et de prévenir des scénarios plus graves.
Un plan OT intègre les contraintes de sécurité process, les logiques temps réel, les dépendances machines, et les obligations HSE. Il doit être opérationnel sans connexion Internet, et exploitable par des équipes terrain non spécialisées en cybersécurité.
Les sondes passives (type IDS industriels) s’insèrent sur les ports SPAN ou TAP. Elles analysent les flux réseau sans interférer avec le trafic. Elles détectent les anomalies sur les protocoles industriels (Modbus, S7, IEC 104…) sans ralentir les automates.
Non. Elles concernent en priorité les opérateurs de services essentiels (OES) et les entités critiques. Mais de nombreuses entreprises industrielles, même de taille moyenne, sont désormais incluses. Un audit de conformité permet de clarifier les obligations.
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